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L’INSTINCT MASQUÉ

des autres invités, à l’écart des danses et des tables de whist, ils passent la nuit ensemble à bavarder dans un coin. Les découvertes qu’ils font d’eux-mêmes les enchantent réciproquement. On ne peut se ressembler davantage : deux « vrais Ménechmes au moral ». Cependant, à la différence, déjà, des deux tempéraments robustes de Michel et d’Étienne, ce qu’Astolphe et Édouard mettent en commun dans ce long a parté poursuivi jusqu’au jour sous la lumière des lustres, c’est moins des goûts que des dégoûts. Les mêmes choses les ennuient, les mêmes choses leur répugnent. Tous les deux, ils sont de la race de René : ils se reconnaissent étrangers à la plupart des hommes ; ils méprisent ce que le vulgaire estime, et conçoivent de l’orgueil à se sentir continuellement froissés par ceux qui les entourent. Des René, moins la sauvagerie toutefois, des René mondains, de la meilleure société parisienne tous les deux, vêtus avec recherche, obligeants envers leurs relations, polis, souriants, d’un sourire un peu las : mélancolie, assurément, qui n’est plus à la mesure des orages sur les forêts d’Amérique, mais à la mesure seulement de ce bal dont les flambeaux pâlissent quand ils se lèvent et se séparent.