Page:Porché - L’Amour qui n’ose pas dire son nom, 1927.djvu/122

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
116
L’INSTINCT MASQUÉ

sympathies à la discipline sévère de l’épuration ? L’amitié pure, l’amitié indépendante des désirs dans son essence, est-elle le privilège exclusif de l’homme normal ? Il serait absurde de le prétendre. Ne savons-nous pas qu’il est des invertis qui tracent eux-mêmes, à leur usage, en pleine connaissance de cause, une ligne de démarcation très nette entre leurs amitiés désirantes et les autres, qu’ils ne négligent point, auxquelles, parfois, ils se dévouent.

De sorte que, pour les homosexuels, il y a trois combinaisons possibles d’amitiés : l’amitié désirante ou amour, l’amitié épurée, et l’amitié pure. De plus, le sexe féminin, qui reste en dehors des deux premières combinaisons, est souvent admis à bénéficier de la troisième : nombre d’invertis ont des amies qu’ils aiment tendrement, avec lesquelles ils s’entendent à merveille. Quand ce sont des invertis constitutionnels, à la vérité ce commerce amical ne diffère aucunement de celui que beaucoup de femmes ont entre elles : mêmes bavardages, mêmes toquades, mêmes piques, même mise en commun des passe-temps et des goûts ; ou bien, si les rapports prennent un ton plus grave, un rythme moins sautillant, plus suivi, c’est alors qu’il se trouve que, l’amie ayant dans l’esprit