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L’INSTINCT MASQUÉ

fois, il arrive que, dans ces canaux séparés, aménagés avec tant de soin, et auxquels nous apposons des noms comme des écriteaux, c’est toujours le même flot mélangé qui s’écoule, échappant à nos définitions.

Nous avons représenté l’amitié épurée et l’amitié pure comme deux inclinations qui dérivent de sources différentes. Mais l’antithèse perd de sa force à mesure que les sentiments en cause s’éloignent de leur origine. Certes, l’élément trouble qui est à la base de l’amitié épurée ne se retrouve à aucun moment dans l’amitié pure. Mais la réciproque est-elle vraie ? Peut-on dire que l’amitié épurée ne contient aucun des éléments qui composent la substance de l’amitié pure ? L’amitié épurée, en d’autres termes, est-elle condamnée au rôle d’affection spéciale, exceptionnelle, tout ensemble désirante et équivoque dans son principe, renonçante et sublime dans son dernier état ? Entre ces deux extrémités, ne lui est-il jamais permis de goûter quelque repos qui la rapproche de l’amitié proprement dite ?

Un homosexuel, d’autre part, ne peut-il éprouver un pur sentiment d’amitié pour une personne de son sexe qu’à la condition de réfréner d’abord son instinct et de soumettre ses