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L’AMITIÉ PURE

point à expliquer la promptitude du mouvement qui les précipita l’un vers l’autre. Montaigne lui-même a reconnu qu’il y avait, au fond de cet enthousiasme, quelque chose d’indéfinissable ; et il est beau de voir comment, pour dépeindre son cas, cette tête positive trouve les mots qui conviennent, ceux qui s’ajustent, par leurs nuances, aux états mystiques du cœur : « Si on me presse de dire pourquoi je l’aimais, je sens que cela ne peut s’exprimer qu’en répondant : parce que c’était lui, parce que c’était moi. Nous nous cherchions avant que de nous être vus… je crois par quelque ordonnance du Ciel. Nous nous embrassions par nos noms ; et à notre première rencontre qui fut par hasard en une grande fête et compagnie de ville, nous nous trouvâmes si pris, si connus, si obligés entre nous, que rien dès lors ne nous fut si proche que l’un à l’autre ».

Peut-être pensera-t-on que, quoique toute tendance homosexuelle, même latente, doive être écartée du débat, un certain magnétisme physique ne laissa pas d’avoir sa part d’action dans la merveille d’un accord tout ensemble aussi plein et aussi instantané. Sans doute, ce que nous nommons sympathie ou antipathie, cette impression subite, confuse et néanmoins