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L’AMITIÉ PURE

qui remplissaient les jours apparaissent soudain confrontés dans leur hiérarchie réelle, ceux-là mêmes qui, la veille encore, faisaient ces époux accordés et ce ménage heureux, ne viennent qu’au second rang. Que dis-je ! un mot poli leur donne congé, coupant court à leurs plaintes. Les voici de l’autre côté de la porte, avec les importuns et les choses futiles. Pourtant, il semble que la volupté aurait eu quelque droit à ne pas s’éloigner de cette couche qui fut celle de ses nuits. Eh ! bien, non, son office est terminé, on la renvoie comme une servante.

Mais, auprès du lit, l’Amitié est restée debout. « Mon frère, tenez-vous auprès de moi, s’il vous plaît. » Nul discours, nulle vaine lamentation, dans ce poignant tête-à-tête. Le curé du village, appelé par convenance, est déjà venu et reparti. Dieu lui-même est exclu courtoisement de cette fin stoïcienne. De temps en temps, le moribond s’arrête de râler ; il appelle son ami, et l’ami répond : « Je suis là. » Le râle, alors, reprend plus calme, comme si l’agonisant se remettait en route réconforté, vers son dernier gîte d’étape. Et voici le terme de la course, et, dans l’instant où l’âme s’échappe, un nom, un seul, toujours le même, prononcé deux fois, comme un adieu à la terre, comme une affirmation solen-