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L’AMITIÉ PURE

dans l’ordre de l’amitié, ce qui, au xvie siècle se continue encore et triomphe, c’est la tradition du Portique.

Chez Montaigne surtout. Fortement nourri aux lettres anciennes, il est, par certains côtés, lui-même un ancien. Paillard et misogyne à la fois, tel est l’homme, et entêté dans son parti-pris. Il a perdu sa virginité de si bonne heure (sans doute avec quelque fille-suivante de sa mère) qu’il ne pouvait se rappeler à quel âge. Les joies du lit, ou les accointances buissonnières à la campagne, lui semblaient aussi naturelles, aussi simples et honnêtes que les plaisirs de la table. Mais, son pourpoint une fois rajusté, il retrouve à l’égard des femmes sa méfiance et son dédain. Non pas qu’il considère, en principe, que la volupté et l’union des âmes ne doivent pas être confondues. Au contraire, cette alliance lui paraît idéalement désirable. « L’amitié, dit-il, en serait plus pleine et plus comble[1] ». Malheureusement, l’amitié avec une femme est un rêve irréalisable. « Ce sexe, par nul exemple,

  1. Remarquez que, dans cette hypothèse, Montaigne, tout comme un ancien, confond amitié et amour, ou plutôt incorpore l’amour à l’amitié ; l’amitié étant, des deux sentiments, celui qui seul serait assez large pour pouvoir théoriquement contenir l’autre ; ou bien, l’amitié étant la chose essentielle, l’amour la chose surajoutée.