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L’AMITIÉ PURE

femme trop lascivement, de peur que le plaisir ne la fasse sortir hors des gonds, mais c’est seulement envers leur épouse légitime qu’il conseille aux hommes pareille retenue, car jusqu’à son mariage, avant et pendant sa liaison avec son cher Étienne, lui-même avait été fort passionné pour les filles. Quant à la Boëtie, nous savons que, s’il était stoïcien de caractère, il n’en était pas moins très amoureux du sexe faible et qu’il aima caresser sa propre femme autant qu’une maîtresse, tout au rebours, précisément, de ce que Montaigne préconisait comme une condition de paix dans un ménage. De la Boëtie rappelons-nous le fameux sonnet qui se termine par ces vers si éloignés du pyrrhonisme des Essais, (ils sont classiques de prosodie et de langue, mais d’un sentiment, d’un « individualisme », au fond, tout romantique) :

Que celui aime peu qui aime à la mesure.

Donc, voici deux amis, qui, sensuellement, ont un goût vif pour les femmes et qui cependant prennent pour règle entre eux que toute intrusion de l’autre sexe dans leurs rapports doit être rigoureusement bannie. Ainsi, après des siècles de chevalerie, la femme a bien pu devenir reine dans le domaine de l’amour, mais,