Page:Porché - L’Amour qui n’ose pas dire son nom, 1927.djvu/106

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
100
L’AMOUR GREC

Socrate et Platon, en somme, n’ont pas fait autre chose que d’édifier magnifiquement une théorie de ce que Freud, de nos jours, a appelé la sublimation de l’instinct sexuel. « Veux-tu savoir ce que j’entends par amour, dit Phèdre, dans Le Banquet, c’est la honte pour le Mal et l’émulation pour le Bien ». Quand « l’amour grec » se limite à un désir grossier, il ne recouvre que des sentiments très bas : indifférence cynique, complaisance intéressée, haine, mépris. Mais la passion est bonne si l’élan qu’elle communique à l’être est contrôlé, dirigé, épuré. De l’instinct, en effet, l’âme garde la poussée, et, sans rien perdre de cette force obscure, en s’alimentant, au contraire, à ces sources secrètes, elle s’exalte au niveau des vertus les plus nobles et peut atteindre la perfection. Ainsi, le compagnonnage des camps est lié, chez les Grecs, au culte de l’honneur, de l’héroïsme et du sacrifice. De même les amitiés des gymnases peuvent s’idéaliser, devenir un sentiment délicat et enthousiaste de l’adolescence, puis, en s’élevant, en s’intellectualisant de plus en plus, une union des esprits dans la contemplation de la Beauté absolue.

La montée d’un palier à l’autre s’opère, selon la conception antique, d’autant plus aisément