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marylka

parcourrait-il jamais encore ces steppes enchantées ?

C’était un homme de très haute taille, vieilli avant l’âge. Il avait le nez droit, les pommettes saillantes. Au fond de ses orbites creuses brillaient des yeux de flamme, et sur toute sa physionomie, non dépourvue de noblesse, éclatait quelque chose de sauvage. Il portait la barbe longue, et sur ses lèvres errait le sourire sceptique des découragés.

Tourné vers la lumière, le menton appuyé dans la main, il évoquait le passé.

N’était-ce pas hier que, dans cette même chambre, par un soir d’avril, sa grand’mère, une majestueuse femme, mince encore, avec de beaux cheveux blancs lui faisant une auréole, était entrée, tandis qu’il jouait aux cartes avec quelques officiers, ses camarades ? La réunion était tumultueuse, on buvait, on criait ; un épais brouillard de fumée flottait dans la pièce. Çà et là traînaient des sabres, des vestes, des casquettes d’uniforme. Par