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SOUVENIRS D’UN VIEUX CRITIQUE

mais inutile, inactive, passive, abstentionniste, condamnée à Toisiveté par l’avènement démocratique, et ne possédant d’autre défaut que celui de la jument de Roland. Détail bizarre et pourtant bien vrai ! Sulpice Vaudrey, provincial tout neuf, marié par amour, préservé des passions corrosives par l’ambition, la politique et le travail, s’empresse de trouver fades la beauté, le charme, la tendresse, l’honnêteté d’Adrienne, dès que Marianne lui a tendu la coupe enchantée ; et Guy de Lissac, qui a parcouru toutes les gammes de la galanterie parisienne, est plus sensible qu’il ne voudrait à cet attrait d’exquise beauté, de chasteté et de douceur. Il s’incline sur ce lis atteint dans sa tige, pendant que son ami Sulpice aspire avidement les parfums capiteux de la tubéreuse ; il est blessé, et peut-être la blessure serait-elle communicative, si Adrienne, même outragée et trahie, ne restait invulnérable.

Dès que Marianne a reconquis son Rosas, dès qu’elle entrevoit sur un prie-Dieu de velours, avec ou sans bouquet de fleurs d’oranger, la couronne ducale, M. le ministre est condamné ; l’expiation commence. Sa déchéance amoureuse coïncide avec trois autres déchéances, politique, financière et conjugale : perte de son portefeuille, de sa fortune et d’Adrienne. Elle a été confiante ; elle sera inflexible. Jules Claretie a épargné à Sulpice la déchéance suprême, la capitulation de conscience devant les offres aurifères du gros et riche manieur d’argent et d’honneur, l’omnipotent et ventripotent coulissier Molina. Son titre