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LÉOPOLD DOUBLE

L’histoire est la plus sérieuse, la plus haute, la plus intéressante, — j’allais dire la plus sacrée des littératures profanes. Or M. Thiers, qui s’y connaissait, dit un jour à Léopold Double en visitant sa merveilleuse collection : « Nous faisons tous deux de l’histoire, vous à votre manière, moi à la mienne. » Léopold Double aurait pu lui répondre : « La mienne vaut mieux que la vôtre. La vôtre détruit, la mienne répare ; la vôtre nous enseigne à rompre avec le passé, la mienne rassemble avec une respectueuse sympathie les débris de ce passé, les rajuste, les réhabilite, les honore, leur rend une âme qui nous émeut, une beauté qui nous charme, une voix qui nous persuade, un sens qui nous fait rêver ou penser ; elle demande et obtient pour eux une larme, un mélancolique hommage à tant d’illustres infortunes. La vôtre voudrait qu’on oubliât, la mienne veut qu’on se souvienne. La vôtre raconte les événements de façon à donner envie de recommencer ce qui nous avait perdus et de rejeter dans l’ombre ce qui pouvait nous sauver ; la mienne fait de ces