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SOUVENIRS D’UN VIEUX CRITIQUE

que, qui pour d’autres ressemblait un peu trop à une chapelle armoriée, à une serre chaude écussonnée, la piété du jeune Emmanuel d’Alzon se révélait avec ces caractères de franchise, d*ardeur, d’énergie virile, dont il ne s’est jamais départi. Sous la Restauration, le respect humain, parmi les jeunes gens, avait plus d’influence qu’aujourd’hui, justement parce que le gouvernement d’alors était plus favorable à la religion que celui de M. Cazot. Le respect humain n’effleura jamais l’âme virginale d’Emmanuel. Il semblait prédestiné, venu au monde pour donner l’exemple de ces vertus chrétiennes qu’il devait un jour développer dans toute leur fécondité, toute leur beauté et toute leur ampleur. Tandis que les fées prodiguaient à son berceau toutes les conditions de succès et de bonheur, on eût dit que son ange gardien y avait mystérieusement apporté de quoi dédaigner toutes ces vanités et toutes ces joies.

Détail remarquable : il y avait dans sa ferveur quelque chose de si sincère, de si loyal, de si sympathique, de si robuste et, comme nous dirions dans l’afiFreux style actuel, de si carré, que nul, même les plys tièdes, ne songeait à le plaisanter. Cette piété se manifestait par mille traits toucHants et charmants. Un soir, nous dînions chez sa mère. Le n 9 de la rue de Vaugirard qu’elle habitait (hôtel Crapelet) était encore plus voisin de l’Odéon que de Saint-Sulpice. Or, ce soir-là, nous vîmes arriver le frère de la vicomtesse, le chevalier de F… qui dit à sa