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peut-être, serait-il aussi vague que celui d’Hamlet, est encore un hommage à cette illustre mémoire.

Berryer a été l’éclatant et éloquent démenti du mot barbare de Brennus, plus Germain, j’imagine, que Gaulois : Vœ victis ! Il fut, depuis ses débuts jusqu’à sa mort, un vaincu ; et pourtant, parmi les hommes d’État ou les hommes politiques, ses contemporains, il n'y en a pas un, dont la carrière soit plus enviable ; tous ont expié, en des heures sinistres, les jouissances mensongères du succès et du pouvoir. On se figure aisément, avec deux nuances bien différentes, à quel point M. Guizot et M. Thiers durent être foudroyés le 24 février 1848, en se voyant, l'un écrasé, l’autre mystifié par la Révolution et la République. Aux deux extrémités de l'impérialisme, quelles ne furent pas, le 4 septembre, les angoisses de M. Ollivier et de M. Rouher ? Quel douloureux sujet de méditations pour Lamartine, lorsqu’il subit, en trois mois, l’impitoyable transition de la popularité la plus enivrante à la déchéance la plus absolue ? Ainsi de suite. Pour Berryer, rien de pareil. Il fut, dès le premier jour, le favori de la défaite, et nul ne prouva mieux ce qu’a de superbe l’ambition de n’être rien. J’entendais un soir un homme d’esprit, désabusé, un peu sceptique, légèrement enclin au paradoxe, dire à une grande dame du faubourg Saint-Germain : « Ce n’est pas pour Louis-Philippe qu’a été faite la révolution de Juillet, c’est pour Berryer. Louis-Philippe y a gagné une couronne problématique, la chance d’être assassiné,