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MARIE-THÉRÈSE IMPÉRATRICE


nous semble que la royauté française est plus présente, plus vivante dans la première de ces deux batailles que dans la seconde. C’est que le crépuscule du soir n’a pas les mêmes nuances que le crépuscule du matin. C’est que le printemps ignore les mélancolies de l’automne. La nuit qui s’en va a un charme inconnu de la nuit qui vient. Ainsi que le dit excellemment l’illustre historien : « Oui, un beau jour, mais le dernier de l’ancienne France ! Elle était là tout entière, encore pleine de vie et resplendissante de tous les joyaux de sa couronne... » A coup sûr, la jeunesse groupée autour de Maurice de Saxe, de Louis XV et du jeune Dauphin, est aussi intrépide, aussi impétueuse, plus brillante peut-être que les gentilshommes associés à la victoire du grand Condé. Mais, en y regardant de près, on devine de légères différences. En 1643, la noblesse de notre vieille France, à peine échappée aux guerres civiles, à la guerre étrangère, aux échafauds du terrible cardinal, ne s’est pas encore ressentie ou aperçue des effets d’une politique niveleuse, qui va peu à peu la réduire à l’état d’objet de luxe, sans emploi déterminé dans l’outillage du gouvernement. Sa bravoure repose sur un fond plus solide, et, si l’on se souvenait que, en latin, le même mot exprime vertu et valeur, on se dirait que Gassion, Sirot et les autres lieutenants de Condé ont moins perdu leur latin que les compagnons d’armes de Richelieu et de Maurice de Saxe. Un grain de futilité — j’allais presque dire de fanfaronnade — se mêle à ces prodiges d’humeur guer-