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V
M. LECONTE DE LISLE

S’il suffisait d*une forme très-savante et d’une vocation très-déterminée pour atteindre à la gloire et à la popularité poétiques, le nom de H. Leconte de Lisle serait au premier rang. L’auteur des Poèmes et Poésies et des Poèmes antiques, publiés en 1853, possède à un degré éminent deux qualités sans lesquelles il n’y a pas de poète : d’une part, on sent que le vers se moule naturellement dans son esprit et en jaillit sans effort ; de l’autre, on reconnaît qu’à ce don heureux et probablement irrésistible s’ajoute un travail énergique, une persévérante passion d’artiste, qui corrige, polit, assouplit le métal, en efface les rugosités, les soudures et les scories, et finalement arrive à une poésie nette, ferme, sobre, vigoureuse, colorée, où tressaillent pôle-mêle les visions de l’Orient et les songes de la Grèce, pareilles à ces images confuses prolongées entre le rêve et le réveil. Et pourtant, en dehors d’un petit cercle d’amis, d’initiés, d’adorateurs fervents des Muses délaissées, en dehors des dilettantes attitrés ou des critiques obligés par état à toutes sortes de dégustations littérales, qui connait M. Leconte de Lisle ? A Paris même,

^ Poemee et Poesies.