Page:Pontmartin - Nouveaux Samedis, 6e série, 1873.djvu/340

Cette page n’a pas encore été corrigée
330
NOUVEAUX SAMEDIS.

ans en juillet 1850, qui, sans liens avec le passé, sans engagement de famille, tout chauds encore de leur libéralisme de collège, se sont précipités, les yeux fermés, vers la monarchie déchue, comme vers le refuge naturel des âmes généreuses ou des imaginations romanesques ? Il y en avait qui s’étaient distingués à la prise d’Alger, et qui, brisant leur épée, rentrèrent tristement dans leurs foyers, pour se débattre contre la gêne, le désœuvrement et l’ennui. Il y en eut, brillants officiers de marine, qui échangèrent les grands horizons, la mer sans bornes, l’avenir sans limites, contre les froides murailles dune ville de province et le régime écœurant de la vie de café. D’autres, gentilshommes campagnards, se croyant des aptitudes industrielles ou agricoles, malheureux de leur inaction, voulant accroître leur maigre patrimoine, se sont lancés dans des entreprises qui ne leur ont donné qu’un surcroît de pauvreté et de ruine. Ceux-là n’étaient pas les plus à plaindre. Par état et par habitude, ils étaient dispensés de réfléchir, d’analyser et d’observer. J’en connais, — de plus misérables, — qui voulurent continuer d’exercer leur intelligence et se dépensèrent tout entiers au service de la cause qu’ils avaient librement choisie. Mais l’intelligence peut être fidèle sans être immobile ; l’analyse est une arme à deux tranchants ; l’observation découvre parfois le contraire de ce qu’elle cherche. L’homme d’imagination n’a pas la fermeté robuste de l’homme d’action. Celui-ci triomphe ou meurt ; celui-là survit et chancelle. Un jour, ceux dont je parle sont arrivés à se poser en frissonnant cette question re-