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NOUVEAUX SAMEDIS.

une répugnance invincible à songer que le to be or not to be d’une religion de vérité, de paix, de justice, de liberté et d’humanité, s’était trouvé un moment, un jour, une heure, entre les mains d’un homme dont nous ne contestons ni la gloire ni le génie, mais dont les idées religieuses se réduisirent à une sorte de fatalisme oriental, mitigé par quelques souvenirs d’enfance ; contempteur hautain dont la vie ne fut qu’une négation éclatante de tout ce que le christianisme nous apprend à aimer, à vénérer et à croire ; profanateur enfin ; car c’est profaner la religion que de l’employer sans y croire, d’en faire un instrument de servitude et de ne laisser ignorer à personne que, si, au lieu de signifier autorité et discipline, elle signifiait résistance et liberté, on la broierait sous ses pieds. Ce serait une immoralité, un sujet permanent de trouble pour les consciences, si on pouvait croire que cette profanation a son prestige ou son excuse quand elle est commise par un homme tout-puissant ; qu’il existe une zone supérieure, hors de portée pour les faibles et les petits, où les devoirs changent de nature, où la vérité change d’aspect, où le bien et le mal changent de nom, où une volonté humaine peut faire ou défaire ce qui ne peut être fait ou défait que par une volonté divine. Oui, nous avouerons que le salut ou la perte du catholicisme a pu un instant dépendre de Napoléon Bonaparte, si on nous dit que cette religion, refuge immortel de l’âme humaine, n’est pas elle-même une âme, ou que cette âme appartient à qui sait la prendra par force ou par ruse.