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NOUVEAUX SAMEDIS

diaire est plus intéressant qu’un chef-d’œuvre ; où le raisonnement, l’épigramme, le grain de sel, l’ironie, l’allusion fine et délicate, sont avantageusement suppléés par l’insulte frottée d’ordure ; où le catéchisme poissard et l’argot des halles, comparés au style de certains journaux, font l’effet du langage le plus poli des académies et des salons. Tout se tient, tout s’enchaîne dans les habitudes intellectuelles d’un peuple. 11 est impossible que sa politique se dégrade sans que sa littérature s’abaisse. Quand toutes les conditions de la vie sociale sont prises au rebours : quand une fatale influence intervertit les notions du bien et du mal ; lorsque le gouvernement se fait complice de l’anarchie et du désordre ; lorsqu’il y a plus de sûreté à être malfaiteur qu’à être gendarme, un singulier phénomène se produit chez ceux-là mêmes qui ont le plus horreur de ces saturnales du mensonge, de la démence et du vice. Ils se découragent d’avoir raison, tant ils sont sûrs d’avoir raison dans le vide, de prêcher dans le désert et d’être séparés de leurs adversaires par des espaces si immenses qu’ils ne peuvent pas même se rapprocher pour se combattre. Ils se dégoûtent des nuances, des idées justes, des sentiments élevés, de l’appréciation réfléchie des ouvrages de l’esprit, tant ils sont consternés ou agacés de voir ces objets de leurs prédilections et de leurs études emportés dans un tourbillon de poussière ou noyés dans un lac de boue ! Quo pouvons-nous sous un régime où M. Blanqui