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Usa-t-il de son influence pour obtenir les confidences de Pierre Maurin ? Essaya-t-il de vaincre ses scrupules ? Je ne l’ai jamais bien su. Un immense voile de crêpe ne tarda pas à s’étendre sur cet épisode, voilé déjà d’ombre, de mystère et de tristesse. Le 4 mars, Pierre disparut. Nous apprîmes qu’il avait suivi l’Empereur, revenant de l’île d’Elbe. Vous n’ignorez pas que Napoléon Bonaparte passa, le 4 mars, à Digne, et alla coucher au château de Malijay. Le conquérant vaincu et le forçat libéré cherchaient tous deux un dénouement ; ils le trouvèrent. Pierre fut tué à Waterloo… »

Le vieux chanoine finit là son récit. Je le priai d’agréer mes meilleurs remerciements et mes plus sincères excuses pour la fatigue que je venais de lui donner. Puis, comme je levais la séance pour prendre congé :

— Ah çà ! me dit-il avec une cordialité charmante, vous n’allez pas me quitter ainsi ! Les traditions d’hospitalité de l’évêché de Digne vous paraîtraient bien dégénérées entre mes vieilles mains… Vous dînez avec moi… Apollonie, mettez un second couvert !…

Apollonie ? Le nom n’était pas commun. — Vingt-trois ans en 1815. — Soixante-dix ans en 1862.

Elle était là. D’un regard, j’interrogeai l’abbé Angelin. D’un signe, il me répondit :

— Oui.