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II

En ce moment, la fenêtre s’ouvrit. Le soleil se levait à peine : la pureté du ciel promettait une de ces belles journées d’automne qui ont le charme d’un souvenir et la mélancolie d’un adieu. Une légère brume, transparente comme de la gaze, se dissipait peu à peu au souffle d’un vent d’est, dont les tièdes bouffées glissaient à travers les touffes des plantes grimpantes et nous apportaient le parfum des lentisques et des romarins de la montagne voisine. Vous comprenez ce que devaient être ces premières gorgées d’air frais et salubre pour les poumons de ce misérable qui n’avait échangé la lourde atmosphère du bagne que contre la poussière de la route, les étreintes de la faim et les fatigues de la marche. Pierre parut un instant à la fenêtre. Sa large poitrine se souleva comme pour aspirer, à elle seule, tout cet air vivifiant qui lui rappelait les belles matinées de son innocente jeunesse et les scènes de sa vie rustique. Il nous aperçut, nous salua, les yeux fixés sur l’évêque avec une ineffable expression de gratitude, d’admiration, de respect, d’amour et d’humilité. Mais son humilité n’était déjà plus de la bassesse : son étonnement n’était plus de la stupeur. Une bonne nuit dans des draps bien blancs,