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illustres, qui ont leur légende, que leurs camarades admirent et qui, fiers d’avoir passionné la curiosité publique, posent pour la galerie dans le cynique orgueil de leur crime, les forçats ordinaires ont les allures humbles d’un chien qu’on vient de battre. Pierre Maurin, dont le front ruisselait de sueur, commença par perdre contenance devant la douce et majestueuse figure de l’évêque, et par bredouiller quelques phrases inintelligibles. Évidemment, il avait peur de nos soutanes, et il craignait d’être chassé par les curés comme il l’avait été par les aubergistes.

— Remettez-vous, mon ami ! lui dit Mgr Miollis. — Oh ! monsieur ! Je crois encore, après cinquante-six ans, entendre cette parole suave, faite de charité, de simplicité et de bonhomie, cette voix d’or qui allait à l'âme, apaisait la conscience, attendrissait avant de convaincre, et rendait, pour ainsi dire, visibles les vérités de l’espérance et de la foi !

Mon ami ! mon ami ! répéta Pierre Maurin, comme se parlant à lui-même. Il me sembla que son mâle et sombre visage s’éclairait, qu’une larme à demi contenue glissait aux bords de ses paupières. Alors il se nomma, nous dit ce qu’il était, comment il avait mérité le bagne, et comment les hôteliers de la ville avaient refusé de le recevoir et de le loger. — « J’aurais pourtant payé, ajouta-t-il, et j’ai bien faim ! »

— Asseyez-vous là, mon ami ! dit l’évêque en lui