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J’ouvrais la bouche pour répondre que je n’étais venu que pour cela : mais je compris que ce ne serait pas très poli ; un geste et un regard répondirent pour moi.

— Il ne s’appelait pas Jean Valjean, poursuivit l’abbé Angelin, mais Pierre Maurin. En 1801, et non pas en 1796 — à vingt-un ans — le malheureux Pierre avait été condamné à cinq ans de galères, pour avoir volé un pain avec effraction d’une grille et d’une vitre, dans la boutique d’un boulanger. La peine aurait été beaucoup plus douce, parce qu’il fut prouvé que ce jeune voleur, avec des antécédents irréprochables, avait perdu la tête en voyant les sept enfants de sa sœur menacés de mourir de faim. Mais Pierre, doué d’une force herculéenne, avait aggravé son acte de folie en assommant aux trois quarts le boulanger qui l’arrêta. Ceci se passait, non pas à Favérolles, mais à Forcalquier.

Pierre fit ses cinq ans, pas un jour de plus. On pourrait croire, en lisant ce chapitre de M. Victor Hugo, qu’il existe au bagne un pacte mystérieux d’après lequel chaque galérien, à tour de rôle, est forcé de s’évader, sous peine, probablement, de s’attirer une épouvantable vengeance de la part de ses compagnons de chaîne. Or, comme il n’y a pas une évasion sur cent qui réussisse, il en résulterait ceci : que, pour un coupable, être condamné à cinq ans ou à perpétuité, ce serait à peu près la même chose.

Ce fut donc en octobre 1806 que Pierre Maurin, for-