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Introduit sans aucune formalité préalable, je trouvai le vieux chanoine, tel qu’il devait être pour s’accorder admirablement avec cet ensemble ; cheveux blancs ramenés en arrière et laissant à découvert un front parcheminé : joues creuses, rides profondes, taille voûtée, pieds goutteux dans des pantoufles fourrées ; intelligence parfaitement intacte, attestée par la vivacité de son regard, la netteté de sa parole et le charme de son sourire. Il prenait son café dans la bibliothèque, qui avait fort bon air. Bossuet, Fénelon, Bourdaloue, Massillon, saint François de Sales, y représentaient les jeunes. Aussi, quel ne fut pas mon étonnement, lorsque j’aperçus, sur la petite table où l’abbé Angelin venait de poser sa tasse à côté de la cafetière et du sucrier, les deux volumes des Misérables !

Je lui remis la lettre de son collègue, l’abbé C… Il la lut en un clin d’œil, puis me dit avec la gracieuse courtoisie d’un prélat d’ancien régime :

— Je suis toujours enchanté de recevoir des nouvelles de cet excellent abbé C… ; mais, cette fois, votre nom suffisait… Vous aviez, auprès de moi, un introducteur plus célèbre… quoique moins orthodoxe… Béranger… Ah ! vous regardez ces deux volumes, qui contrastent singulièrement avec mon bréviaire et mes lectures habituelles ? C’est une attention délicate du baron de Cerneuil, mon compatriote, jadis mon élève, aujourd’hui député au Corps législatif. Il sait que j’ai voué un culte