taires et de bignonias. Ce mur, à l’aspect monastique, était coupé par une porte à claire-voie, qui semblait prête à tomber de vétusté, et qui donnait sur une cour primitivement pavée, mais envahie, de longue date, par une herbe si drue, qu’une chèvre y trouvait le vivre et le couvert. Le vestibule et le parloir, ornés d’antiques gravures de piété, communiquaient à un jardin où des carrés de choux et de salades s’encadraient entre des rangées symétriques d’ifs, de buis et de cyprès centenaires. Un lierre énorme s’était incrusté dans la muraille de ce jardin aussi peu anglais que possible, et l’enveloppait tout entière.
La servante qui vint m’ouvrir n’était que septuagénaire : mais, comme pour se faire pardonner sa jeunesse, elle était escortée par un chat qu’on aurait pu prendre pour le trisaïeul du chat Murr et par un carlin d’une obésité sénile, tellement poussif que, en essayant d’aboyer, il éternuait. Je fus tout d’abord frappé de cette figure quasi-claustrale, ridée, amaigrie, mortifiée, pâlie, éclairée d’une ineffable expression de tendresse, de dévouement, de tristesse et de bonté. La vie semblait s’être réfugiée dans ses grands yeux noirs, où passaient de fugitives lueurs. Ses yeux paraissaient plus jeunes que son âge, et, quand elle les abaissait sur ses paupières fatiguées, on se demandait si c’était pour achever de les éteindre ou pour revoir, au dedans d’elle-même, un lointain souvenir.