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lantes au premier rayon du soleil levant, cette brise caressante, ce ciel passant par toutes les nuances de la nacre, de l’opale et du saphir, c’est que je voudrais ne pas trop tarder à vous conduire in medias res. Quoique je ne fusse pas chanoine, l’aspect de Grasse produisit sur moi l'effet que j’avais pu pressentir en écoutant l’abbé C... Cette ville, placée en dehors du mouvement perpétuel qui va de Toulon à Menton, a une physionomie particulière. Résidence favorite des chanoines, je l’appellerais volontiers la chanoinesse, mais une chanoinesse embaumée de poudre à la maréchale. Elle sent bon. On y éprouve comme une détente générale de toutes les facultés actives qui sont aussi les facultés inquiètes : une mystérieuse béatitude, faite de bonheurs négatifs, une impression de recueillement et de paix dont on ne saurait dire si elle se communique des sens à l’âme ou de l’âme aux sens. Cette impression devint plus distincte et plus vive, lorsque je sonnai à la porte qui m’avait été indiquée.

Théophile Gautier, dans son meilleur ouvrage, a peint le Château de la Misère. Le logis de l’abbé Angelin aurait pu s’intituler la Maison de la Vieillesse. Il me rappelait, dans de plus petites proportions, ces maisons cardinalices, dont il reste encore quelques vestiges dans les rues les plus désertes et les moins ensoleillées d’Avignon. Une mousse séculaire couvrait le mur extérieur, dont les lézardes se cachaient sous un fouillis de parié-