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NOUVEAUX SAMEDIS

philologiques, il aurait pu, du moins, les réserver pour les conversations de ses héros, et, par égard pour notre faiblesse, renoncer à cet argot de la borne, du ruisseau et du bouge, quand il parle en son nom et reprend son récit. Je n’insiste pas. Deux ou trois autres points me semblent donner lieu à des réflexions plus chagrines.

Une des prétentions de l’auteur de l’Assommoir — il en a beaucoup — est d’avoir écrit une œuvre chaste… « L’Assommoir, nous dit-il dans sa modeste préface, est à coup sûr. le plus chaste de mes livres. » Jugez des autres ! pourrais-je répliquer : mais je veux m’interdire jusqu"à l’ombre d’un sarcasme ou d’une ironie. M. Zola paraît ignorer qu’il y a deux sortes de chasteté, et que celle qui procède par le dégoût n’est pas la plus recommandable. Un roman est chaste, quand le romancier réussit à décrire les orages de la passion sans troubler les imaginations délicates, quand le lecteur, au lieu d’être sollicité par des amorces sensuelles, s’élève peu à peu, avec le conteur et ses personnages, vers cet idéal où l’âme règne en souveraine et domine la matière. Mais je refuse formellement les honneurs de cette épithète à un récit où d’immondes créatures, effrontées, cyniques, débraillées, puant la luxure, le chignon au vent, l’ordure aux lèvres, me traitent par l’homœopathie, me ramènent à la vertu par le hideux excès de leurs vices et ajoutent un ignoble chapitre au Remedium amoris du moins chaste des poètes. Si l’on adoptait la complaisante méthode de M. Zola, on