Page:Pontmartin - Nouveaux Samedis, 12e série, 1875.djvu/310

Cette page n’a pas encore été corrigée
300
NOUVEAUX SAMEDIS

question de sentiment que dédaignent les parlementaires, mais sans laquelle il n’y a pas de monarchie possible, qu’est-ce donc que cette affection, que ce dévouement, qui, en présence d’un roi septuagénaire, ne veut pas et ne sait pas attendre ?

Doit-on en conclure que Louis-Philippe, dans cette étroite limite de la vulgaire sagesse, fut ou aurait été infaillible ? Assurément non. Il a péri victime d’une étrange inconséquence, que l’on a pu signaler surtout dans les préliminaires de sa chute. Ayant traversé la grande Révolution où toutes les palinodies succédèrent à tous les crimes, sachant à quel taux s’évaluait la conscience d’un révolutionnaire, il en avait gardé un profond mépris pour l’humanité, et, par conséquent, pour l’opinion. De là, dans deux ou trois épisodes qu’il est inutile de rappeler, cet oubli complet des lois de la morale et de l’honneur, oubli dont les avantages immédiats sont tôt ou tard expiés par d’inévitables châtiments. En même temps, soit par caractère, soit par l’influence de son siècle et de son rôle, ce contempteur de l’humanité et de l’opinion était humain et libéral. Dès lors, il devait fatalement succomber ou à son mépris pour ce qu’il épargnait, ou à ses ménagements pour ce qu’il méprisait. Ce qui est résulté de cette contradiction, vous le savez. Il aurait pu prévenir la Révolution de février, s’il avait tenu compte des rumeurs sinistres qui l’annonçaient ; il aurait pu la dompter, s’il avait consenti à sévir contre cette