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NOUVEAUX SAMEDIS

temps. Le pauvre homme en maigrissait à vue d’œil. Il n’y a pas pour un cœur généreux de sensation plus cruelle que de se voir rendre le mal pour le bien. Sur ces entrefaites — et c’est ici que j’entre en scène — le comte fut obligé d’entreprendre un long voyage. Il ne pouvait emmener sa femme. J’étais son cousin issu de germain. Mon âge, mes goûts sérieux, l’idée qu’il avait de mon savoir et de ma sagesse, mes connaissances variées, l’habitude de m’entendre louer par les habitués de la maison, lui suggérèrent un projet qui lui semblait devoir tout sauver.

Il me proposa de venir habiter son palais, d’y transporter mes papiers et mes livres, et de jouer auprès de la jolie Francia un rôle de tuteur, de guide, de conseiller, de confident, de mentor et d’ami. Je serais chargé de mettre un peu d’ordre dans ses affaires, d’apaiser ses créanciers, de rétablir une balance entre l’actif et le passif, de la préserver contre les entraînements de son imagination vagabonde, de redresser ses opinions fantaisistes, de lui apprendre à juger ceux qui esssayaient de la séduire, de l’amuser honnêtement à l’aide d’ingénieuses causeries et de saines lectures, de faire un choix parmi les visiteurs, d’élaguer adroitement ceux dont les assiduités pouvaient être compromettantes et d’accueillir poliment ceux dont le caractère et les mœurs offraient toute garantie. Mon triomphe devait être complet, mon succès au-dessus de tout éloge, si le comte, à