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a rien là qui contredise les probabilités de l’invraisemblable et la logique de l’inconséquence. Ce qui se passe en littérature, depuis quelques années, est peut-être plus étonnant. Vers 1827, lorsque nous démolissions avec une si édifiante ferveur les derniers débris du paganisme, lorsque nous achevions de chasser de leurs temples les dieux et les déesses, et que nous inaugurions l’art gothique sur les ruines du Parthénon, qui nous eût dit que, vingt-cinq ans plus tard, ce mouvement aboutirait, non pas précisément à de petits vers galants inspirés par Vénus, Cupidon et les Grâces, mais à une interprétation plus profonde, plus savante et plus passionnée de la poésie païenne ? Et pourtant il n’est pas impossible d’expliquer par quelle pente nous sommes ainsi arrivés d’un extrême à l’autre. Là encore nous sommes punis par où nous avons péché. Le chef le plus illustre de cette renaissance chrétienne dans l’art n’avait oublié qu’un point ; c’était d’y mettre un peu de spiritualisme sincère, de christianisme véritable. — « Nous entrons sous ces voûtes pour prier, vous pour rêver, » lui disait à cette époque M. de Montalembert ; et, en effet, dès les Orientales et Notre-Dame de Paris, on pouvait aisément comprendre que M. Hugo n’était préoccupé que du côté plastique de l’art chrétien, et qu’il absorberait bientôt dans une sorte de rêverie panthéiste ce que son rêve de novateur avait eu d’abord de salutaire et de fécond. Qu’en est-il advenu ? Ses imitateurs, ses disciples, M. Théophile Gautier en tête, n’ayant pas les mêmes ménagements à garder avec cette filiation poétique et déjà lointaine qui rattachait M. Hugo au Génie du Christianisme, se firent franchement matérialistes et païens ; car vous aurez beau faire, vous aurez beau tourner, deplacer, morceler la question, le christianisme, c’est l’âme ; le paganisme, c’est la matière. Cela est si vrai, que, par un nouveau progrès dans la décadence, l’école