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quelque chose qui m’annonce la présence de l’homme et le mouvement de la vie.

Les pièces détachées qui complètent ce volume, la Source, Midi, Juin, etc., me paraissent préférables aux poëmes ; non pas que le système de l’auteur ne s’y continue, et n’y mêle sans cesse la tradition païenne aux impressions du paysage ; mais enfin, il y a là une ampleur, un caractère, une puissance de souffle qui rachètent bien des peccadilles, et le hiérophante y fait moins de tort au poëte. Ceux qui ont le triste courage de juger les œuvres d’art en dehors de toute préoccupation religieuse et chrétienne admireront, j’en suis sûr, la pièce qui termine le recueil, et qui est intitulée Dies irae ; un Dies irae païen ou plutôt athée, où toutes les croyances et tous les dieux sont confondus dans une agonie suprême, et précipités vers les ablmes sans fond par une Muse ivre de néant. Si M. Leconte de Lisle a le malheur de n’être pas chrétien, il aurait pu du moins s’abstenir d’un titre qui rappelle à toutes les mémoires la plus sublime, la plus terrible de nos prières funèbres ; il aurait pu se souvenir que la poésie a mieux à faire qu’à enlever à la vie la croyance et l’espérance à la mort : ceci soit dit sans rien ôter au mérite de cette pièce, où se traduit d’une façon vraiment saisissante, non plus le désabusement humain dont parlait M. Sainte-Beuve, mais la désolation suprême qui en est la conséquence inévitable, et où M. Leconte de Lisle, destructeur impitoyable de ses propres idoles, semble avoir voulu écrire l’apocalypse du paganisme, aboutissant au vide, aux ténèbres, au chaos, à un je ne sais quoi qui n’a plus de nom dans aucune langue, comme dit Cossuet, un pauvre radoteur indigne de desservir les autels de Zeus, de Kronos, d’Artémis et de Bhagavat !

Malgré mes réserves, c’est là un début poétique dont on ne saurait contester l’importance ; mais, pour que les espérances