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Machefer marchait maintenant à côté de lui, comme Cadenet.

L’orchestre était toujours muet, et on n’avait pas encore dansé.

— Quand tu auras dit bonjour à tout le monde, dit Machefer, nous ouvrirons le bal… Il sera peut-être moins gai que celui que tu donnais à Grosbois, mais, ne te fâche pas, mon cher comte, il sera certainement beaucoup mieux composé.

Barras s’en allait à travers cette foule de gens en deuil qui voulaient danser, comme un homme qui aurait noyé sa raison dans des libations nombreuses. Il marchait en chancelant et se laissait conduire, étourdi, par Cadenet. Tout à coup, il ne put retenir une exclamation de surprise, presque de joie.

Un petit homme, vêtu de noir entièrement, à l’exception d’un gilet jaune, qui lui bardait la poitrine et lui couvrait une partie de l’abdomen, — un petit homme maigre, grisonnant, voûté, mais dont l’œil trahissait un reste de jeunesse, venait de s’avancer vers le directeur et le saluait en lui disant :

— Bonjour, monsieur le comte. Ces messieurs et ces dames ont bien voulu m’admettre, moi, pauvre serviteur, en leur compagnie.

— Souchet ! exclama Barras.

— Oui, monsieur le comte, c’est bien moi…

Barras, lorsqu’il était capitaine, avait un ami, un compagnon d’armes, le chevalier d’Aiglemont, avec lequel il avait fait la campagne des Indes.