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pable d’abuser de votre situation. Mettez-vous au lit, je passerai la nuit sur cette chaise, et vous pourrez dormir comme si votre frère veillait sur vous.

Elle hésitait cependant encore.

— Vous avez donc bien peur ? fit-il avec un sourire.

— Oh ! dit-elle, savez-vous qu’il m’a menacée de me faire guillotiner ?

— Bah !

— Si je refusais plus longtemps… vous devinez ?

— Je devine, dit Bernier… que je lui planterai demain la lame de mon sabre dans le ventre !

La Lucrétia lui prit les mains :

— Vous êtes bon, dit-elle ; mais je ne veux pas que vous exposiez votre vie pour moi… qui ne saurais… et ne pourrais… vous aimer… que comme un frère…

— Vraiment ! fit Bernier avec tristesse, car il la regardait et la trouvait bien belle.

— Vous avez donc un bien grand amour au cœur ?… lui demanda-t-il après un moment de silence.

— Un amour sans espoir…

Sa voix s’altéra en prononçant ces mots :

— Mais quel est donc l’insensé, assez heureux pour être aimé de vous, et assez aveugle pour ne s’en point apercevoir.

Elle hocha la tête.

— Hélas ! dit-elle, c’est mon secret… ne me le demandez pas.

Bernier vit briller une larme au bord de ses cils.

— Pardonnez-moi, dit-il, si je vous ai fait de la peine.

Et il lui baisa la main.