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Et toujours guidée par cet âpre instinct de curiosité qui la dominait ; elle avança jusqu’au seuil de cette porte.

Là, ses cheveux se hérissèrent.

Elle vit Brulé qui entassait de la paille sous les javelles et y mettait le feu.

Alors, Lucrèce jeta un cri.

À ce cri, Brulé se retourna menaçant, vit sa fille, la reconnut et s’élança sur elle.

— Au feu ! au secours ! s’écria Lucrèce.

Mais son père la prit à la gorge et lui dit d’une voix étouffée par la colère :

— Tais-toi ! ou je t’étrangle !

Lucrèce essaya de se débattre, mais le fermier lui appuya une de ses mains sur la bouche, lui serra l’autre autour du cou et l’emporta dans ses bras, tandis que le feu commençait son œuvre de destruction.

Tandis que le comte Henri était au château de Saulayes, tandis que le feu prenait à la ferme de la Ravaudière, qui appartenait, comme on le sait, au chef de brigade Solerol ; tandis que le bon Sulpice allait-à Mailly-le-Château emprunter soixante écus au maître d’école, Jacomet, qui avait en vain averti M. Henri qu’il courait un danger en pénétrant cette nuit-là dans le château, Jacomet, disons-nous, reprenait, à travers les bois, le chemin de sa cabane.

Le bûcheron poussa un gros soupir, et murmura :

M. Henri se fera assassiner un jour ou l’autre, s’il n’y prend garde… Mais qu’y faire ? Il faut que j’aille à mon devoir… et je ne puis passer la nuit sous les murs du château afin d’aller à son secours… Les autres m’attendent.