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meurant auprès de sa fenêtre, il continua à fumer, bien qu’on prétende qu’il n’y a aucun plaisir à fumer dans les ténèbres.

Mais si la cuisine était désormais plongée dans l’ombre, au dehors il faisait un clair de lune superbe, et Brulé, immobile, regardait toujours à travers la fenêtre, celle de M. Henri.

Enfin, cette fenêtre s’ouvrit toute grande, et le jeune homme s’y montra.

Brulé le vit sauter lestement dans la cour, la traverser en courant et gagner le potager.

— Je sais où tu vas, dit le fermier ; au bout du potager il y a un sentier qui mène à l’allée des Dines, et l’allée des Dines conduit aux Saulayes, et peut-être jusqu’à la place d’Auxerre et à la place des Fontaines, où on dresse la guillotine pour les incendiaires !

Cette sinistre prédiction prononcée à voix basse, Brulé se leva et alla soulever la trappe de la cave.

Dans presque toutes les habitations bourguignonnes, fermes ou maisons de maître, la cave est un vaste sous-sol qui a deux entrées, — une au dehors, l’autre au dedans. Celle du dehors réunit, par une pente rapide et un boyau assez large, le sol extérieur au sol intérieur.

C’est par là qu’on introduit les futailles et les pièces de vendange.

Elle est recouverte par une large plaque en tôle, à deux battants, fermant avec un cadenas, et le plus souvent avec une énorme pierre.

L’autre entrée est plus étroite, aboutit dans la cuisine par un escalier de pierre et quelquefois une simple échelle