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quelle couchait le Bouquin, commis la nuit à la garde de ce corps de logis.

Ce fut là que la mère Brulé porta sa fille, et elle la déposa doucement sur le lit en lui disant :

— Il faut bien que je prépare ton père à ton retour… ça pourrait le tuer…

Lucrèce Brulé, la pauvre mendiante, était docile comme un enfant ; elle versait des larmes silencieuses en regardait sa mère et la couvrait de baisers à son tour.

La mère Brulé lui donna un dernier, un suprême baiser, puis elle s’enfuit en lui disant :

— Je vais t’envoyer Sulpice.

Elle redescendit dans la cour, haletante, le front baigné de sueur, son pauvre cœur tressautant dans sa poitrine ; elle alla jusqu’à la porte de la cuisine, et cria :

— Sulpice ? Sulpice ? j’ai laissé éteindre ma lanterne… viens avec moi…

La mère Brulé lui sauta au cou et lui dit d’une voix mourante :

— Soutiens-moi… je n’ai plus de force, je crois que je vais passer… Elle est là !… elle… ma fille… notre Lucrèce… elle est revenue… Ne crie pas !… ton père est là…

Le bon Sulpice faillit tomber à la renverse ; mais sa mère lui rendit ses forces et sa présence d’esprit en lui disant :

— Je l’ai cachée dans la chambre de Bouquin… Cours-y, allume du feu… elle est transie… Pauvre petite ! elle est pâle comme une morte… Et surtout ne lui parle point de M. Henri… un rien la tuerait…

Sulpice s’élança vers le bâtiment aux grains.