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conduits par des postillons en casaque jaune. Le carrosse s’arrêtera un moment. Tu t’approcheras, et tu offriras ton bouquet.

— Et puis ? demanda Marion.

— La dame au carrosse est prévenue. Adieu, ou plutôt, au revoir…

Et l’homme au carrick se perdit dans la cohue toujours croissante.

Marion s’était placée un peu à l’écart.

Mais elle ne riait plus, et contemplait avec mélancolie son dernier bouquet.

— Oh ! ces hommes ! murmura-t-elle, serai-je donc éternellement leur esclave ?

Un homme d’un certain âge, tout étincelant de gros diamants, de bagues et de chaînes d’or, — un de ces fournisseurs qu’avaient enrichis les armées déguenillées de la République, vint marchander le dernier bouquet pour l’offrir à une ballerine qui l’accompagnait.

— Il est vendu, répondit Marion.

— Je le paie double, ma belle enfant.

— Non, dit-elle.

— Veux-tu dix louis ?

— Ni dix, ni cent, murmura Marion ; ce qui est promis est promis…

— Ma petite, ricana le fournisseur avec un rire grossier, si j’avais raisonné comme toi, je n’aurais pas trois millions.

Une larme perla au bout des cils de Marion, et le fournisseur entra, renonçant au bouquet. Mais un bruit se fit dans la rue.