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Jusqu’à présent, j’observe, je prends mes renseignements. L’heure d’agir n’est point venue.

Le comte Henri avait écouté gravement, sans interrompre une seule fois son ami :

— Eh bien, dit-il enfin, dusse-je être traité de fou, j’aurai le courage de mon opinion. Je ne crois pas à l’incendie organisé. J’admets des faits isolés, des vengeances particulières, et, chez les paysans, la première idée de vengeance consiste à brûler la maison de son ennemi. Mais je ne crois pas qu’il y ait des bandes d’incendiairea avec une organisation et des chefs. D’ailleurs, quel serait leur but ?… Le pillage d’abord ; mais, ensuite…

M. Victor Bernier s’arrêta hésitant :

— Je ne sais pas, dit-il, si je dois te dire tout cela. Tu es royaliste ardent, tu n’aimes point ce régime… et je le comprends fort bien… Ton père est mort sur l’échafaud révolutionnaire, et la chute de l’ancien régime t’a ruiné.

— Laissons cela, dit brusquement le comte Henri.

— Eh bien ! reprit le capitaine Victor Bernier, la politique n’est pas étrangère aux incendies. On veut lasser la France du régime républicain. Les incendiaires sont salariés… Par qui ? jusqu’à présent c’est un mystère.

Le comte Henri eut un geste d’indignation.

— Tranquillise-toi, dit le capitaine en riant, ce n’est pas toi que je soupçonne.


Tandis qu’ils parlaient ainsi, une lumière brilla au travers des arbres, à l’extrémité d’une ligne transversale.

— Tiens, dit le capitaine, est-ce déjà la ferme où nous allons ?