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extatiques de l’emploi. Tes yeux sont battus, ta mine s’allonge, tu es distrait. Ensuite tu sors la nuit…

Le comte Henri tressaillit.

— Tu sais cela ?

— Voici trois nuits de suite que, couché derrière mes persiennes, je te vois t’esquiver de chez toi, ton fusil sur l’épaule, quand tout le monde est couché. Où vas-tu ? Je ne sais… mais tu rentres tard… au petit jour.

— Mon cher, dit le comte Henri avec insouciance, tu sais ce qu’est la vie à la campagne ? Les belles dames y sont rares, et s’il s’en trouve, elles ont un mari. Ce n’est donc point de ce côté-là qu’il faut aller…

— Bon ! je comprends… Hé ! hé ! sais-tu que cette petite charbonnière est fort gentille ?

— Oh ! dit brusquement le comte, trêve de plaisanteries, là-dessus, mon cher Victor. Myette est ma filleule, c’est la vertu et l’innocence personnifiées.

— Pardonne-moi de m’être trompé… mais alors…

— Une jolie fermière, souffla le comte Henri.

Et il se tut de nouveau.

Ils cheminèrent silencieusement quelque temps encore, puis l’officier reprit :

— Confidence pour confidence, je vais te dire mon secret.

— Tu es amoureux ?

— Hélas ! non. Mais écoute… Tu as cru jusqu’à présent, mon très-cher ami, que tu logeais chez toi un vieil ami, un officier en congé qui venait se délasser de son rude métier en se faisant ton compagnon de chasse ?