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Il a eu quelque peine à se décider ; enfin, il y est arrivé ; raison de plus pour réparer le temps perdu ; si la conquête a coûté des soins, du moins on n’y aura pas de regret :

     Au temps de nos amours, en hiver, en décembre,
     Durant deux nuits, souvent enfermés dans sa chambre,
     Sans ouvrir nos rideaux, sans lever les verrous,
     Ardents à dévorer l’absence du jaloux,
     Nous avions dans nos bras éternisé la vie ;
     Tous deux, d’une âme avide et jamais assouvie,
     Redoublant nos baisers, irritant nos désirs,
     Nous n’avions dit qu’un mot entre mille soupirs,
     Nous n’avions fait qu’un rêve…

     Lorsque, sans plus tarder, glissant par sa croisée,
     Je la laissais au lit haletante et brisée,
     Et que, tout tiède encor de sa molle sueur,
     L’œil encor tout voilé d’une humide lueur ;
     Le long des grands murs blancs, comme esquivant un piège,
     Le nez dans mon manteau, je marchais sous la neige,
     Mon bonheur ici-bas m’avait fait immortel ;
     Mon cœur était léger, car j’y portais le ciel.

Arrivée à son paroxysme, la passion n’a ni scrupule ni remords. Plus tard, peut-être, au réveil, à la première désillusion, les regrets auront leur tour ; mais, au moment où l’incendie