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que leur commencement d’intrigue ne soit découvert, ne laissent pas de les inquiéter. Ces divers sentiments me paraissent assez agréablement résumés dans la pièce suivante :

     Nonchalamment, hier, la dame que tu sais,
     Comme dans le salon près d’elle je passais,
     M’appela, me parla de toi, daigna te plaindre
     De l’abandon, dit-elle, où tu te vas éteindre,
     Puisque un si noble époux par Phryné t’est ravi ;
     Et d’autres s’y mêlant, ce furent à l’envi
     Plaintes, compassions et touchants commentaires
     Sur tes pleurs d’Ariane en tes nuits solitaires :
     « Elle s’en veut cacher, mais le mal est plus fort !
     Chaque soir, quand vient l’heure où l’infidèle sort,
     Voyez-la bien. Son œil qui couve la pendule
     A l’air de demander que l’aiguille recule.
     Sensible comme elle est, ce chagrin la tuera.
     — Non, elle est douce et calme, elle s’habituera.
     — S’habituer, monsieur ! Jeune encore, il est triste
     D’être ainsi négligée ! » Et la plus belle insiste,
     Prenant des airs d’égards pour ta pauvre beauté.
     Et moi je me rongeais en silence irrité.
     — Qui donc vous a permis, indifférents sublimes,
     D’ouvrir si vite un cœur le plus vaste en abîmes,
     Le plus riche en tendresse, en parfums renfermés,
     Le cœur de mon amie, ô vous qui la nommez !
     D’où savez-vous les pleurs de sa paupière émue ?
     De quel droit jugez-vous cette âme à moi connue ?
     […]