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se déroulent, complaisamment énumérés par l’ami, les rares accidents qui ont varié l’uniformité de cette existence de jeune fille. Née à Paris, dans une vaste maison dont la tristesse n’est égayée que par un jardin de peu de verdure, l’enfant a grandi, rêveuse, nonchalante, les pas traînants et l’allure ionienne. À son type hardi, on dirait une Maltaise. Sous les flots noirs d’une chevelure qui inonde son col bruni étincellent des yeux ardents, chargés de vagues désirs, qu’ombrage un fier sourcil. Sur ses dents d’ivoire, brillent des lèvres pourprées dont la cerise ne demande qu’à être cueillie. Lente et gauche aux travaux d’aiguille, elle n’aime pas non plus à se mêler aux jeux bruyants de son frère, et s’obstine à demeurer oisive et silencieuse dans sa chambre.

     D’enfance, mon Adèle, — elle n’en a pas eu ;
     Elle n’a point connu la gaité matinale,
     Mêlé sa jeune voix aux chants que l’aube exhale,
     Pillé la haie en fleur et le premier fruit mûr,
     Ou bondi, blanc chevreau qu’enivre un lait trop pur.
     Ce temps-là fut pour elle un long vide, une attente.
     Nul prélude en son être avant l’heure éclatante ;