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ils l’avalent, et elle est perdue pour les fins gourmets[1]. Lui, au contraire, était un de ces habiles cuisiniers qui relèvent, par la délicatesse de leur art, les inventions et les idées d’autrui. À ce point de vue, son ouvrage est une merveille d’exécution, une élégante coupe toute pleine de vins fortifiants, tirés des meilleurs crus. En y repensant plus de vingt ans après, il n’en était pas trop mécontent : « Ce livre-là est mon premier-né et le fruit de mes amours d’étudiant : il s’en ressent à bien des égards, et pourtant je l’aime à cause même de ses espiègleries et de ses jeunes licences. » Le succès fut tel que, sans prendre la peine d’aller chercher sa trousse à l’amphithéâtre, il abandonna décidément la médecine et n’en garda que l’amour de la recherche et de l’analyse, le sens précis et pratique des sciences naturelles.

  1. Le même sentiment se trouve exprimé en termes plus nobles, dans un article sur Ch. Magnin, à propos de ceux qui ont défriché le terrain du moyen âge : « Venu tard dans cette étude et à leur suite, je recueillais les fruits de leur labeur, et je leur en étais reconnaissant. Cela ne m’empêchait pourtant pas, tout en rendant justice à ces excellents travailleurs, de noter quelques-uns de leurs défauts. »