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sourire et la promesse d’aller avec lui à ce spectacle. Ce qui prouve que le véritable Orphée est l’Orphée où l’on s’amuse.

Pendant la semaine qui suivit, il ne cessa, malgré ses douleurs, de fredonner La plus belle ombre, Ma chérie ! sur l’air particulier qu’il avait inventé à son usage et sur lequel il transposait tous les autres.

Laissons là des distractions qui amusent et trompent la souffrance pour ne plus voir que l’homme de génie aux prises avec la maladie qui le minait. Il fut, dans cette dernière épreuve, courageux et ferme comme toujours, sans affecter de stoïcisme, et, bien que certain de perdre la partie, ayant le courage de la jouer jusqu’au bout. Un jour, étant venu le voir, je le trouvai en proie à d’atroces douleurs et véritablement exaspéré : « Eh quoi ! s’écriait-il, je n’aurai pas un ami qui me délivre de ces tourments et me brûle la cervelle ? » Je ne sais par quelle étourderie il m’échappa de répondre : qu’il est des cas où le meilleur ami, c’est soi-même. À ce conseil indirect, il me regarda d’un œil de reproche et justement blessé. Ne valait-il pas