Page:Pons - Sainte-Beuve et ses inconnues, 1879.djvu/320

Cette page n’a pas encore été corrigée

assurément pas de réputation ni même d’esprit en est réduit, pour faire prendre ses livres, à consentir que l’on efface tout ce qu’il y a d’un peu vif contre les auteurs édités par la maison. N’est-ce pas navrant ?

On n’eût pas fait subir de si humiliantes conditions à Sainte-Beuve, qui avait le respect de son art et le souci de la vérité ; il eût préféré les céder pour rien. De fait, on ne lui en donnait pas grand’chose. La propriété entière d’un volume des Causeries ne lui était payée, par les frères Garnier, que 1,500 francs. Le succès croissant de la collection les décida cependant à élever le chiffre à 2,000 francs. Mais le bénéfice qu’ils en retiraient excita la concurrence. Un autre éditeur, Michel Lévy, offrit 2,500 fr. et l’emporta. Après avoir conclu cette belle affaire, Sainte-Beuve se frottait les mains de satisfaction : « Mon ami, nous voilà riches. Lévy donne 500 francs de plus et demande un quart moins d’articles, c’est double profit. »

Il n’était nullement jaloux de la fortune des autres ; il se réjouissait même de voir prospérer les maisons qu’il contribuait à enrichir.