Page:Pons - Sainte-Beuve et ses inconnues, 1879.djvu/300

Cette page n’a pas encore été corrigée

corruption précoce, qui se joue de cette tendresse sénile, met tout ce qu’elle a de ruses à l’enlacer, la caresse et l’empaume afin de lui faire rendre de quoi fournir à d’autres appétits, et, lassée enfin de ce jeu décevant, abandonne le vieillard pour suivre un amant plus jeune et moins fortuné.

C’est ce qui arriva à Sainte-Beuve avec une fille appelée Jenny Delval. Elle n’avait de l’ouvrière que le nom et ne se contentait pas de peu. Grande, bien prise dans sa taille ronde, les chairs blanches et fermes, la bouche d’un incarnat que les dents n’avaient nul besoin de raviver, les yeux d’un azur mobile où la passion amenait parfois de sombres reflets, surtout une magnifique forêt de cheveux d’un blond doré qui la couvraient jusqu’à la chute des reins, telle enfin que les peintres représentent Ève, mais une Ève après le péché, par exemple. Rien ne lui manquait de ce qui charmait le tendre Racine chez les jeunes filles d’Uzès :

    Color verus, corpus solidum et succi plenum[1].
  1. Ce que La Fontaine traduit gaillardement en deux vers : Elle était fille à bien armer un lit, Pleine de suc et donnant appétit.