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sérieuses, de Dieu, de la religion. L’un, qui devait entrer dans le sacerdoce et enseigner le dogme, y croyait déjà aveuglément ; l’autre préludait à son rôle de grand sceptique par des objections et des réserves. Malgré l’opposition de leurs caractères et la différence de leurs destinées, le lien d’amitié ne sera brisé entre eux que par la mort. La dernière lettre de Sainte-Beuve à l’abbé, datée de 1865, contient cette phrase typique : « Si tu te rappelles nos longues conversations sur les remparts, ou au bord de la mer, je t’avouerai qu’après plus de quarante ans j’en suis encore là. Je comprends, j’écoute, je me laisse dire ; je réponds faiblement, plutôt par des doutes que par des arguments bien fermes ; mais enfin, je n’ai jamais pu parvenir à me former, sur ce grave sujet, une foi, une croyance, une conviction qui subsiste et ne s’ébranle pas le moment d’après. » Cela n’a pas empêché un juge de Boulogne, M. Morand, d’insinuer, en publiant ces lettres, que l’illustre critique était au fond catholique sincère et que le respect humain seul avait dicté ce qu’il y a de philosophique dans son