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qu’il en a consacré le souvenir dans un de ses meilleurs sonnets :

     Moi qui rêvais la vie en une verte enceinte,
     Des loisirs de pasteur, et, sous les bois sacrés,
     Des vers heureux de naître et longtemps murmurés ;
     Moi dont les chastes nuits, avant la lampe éteinte,

     Ourdiraient les tissus où l’âme serait peinte,
     Ou dont les jeux errants, par la lune éclairés,
     S’en iraient faire un charme avec les fleurs des prés[1],
     Moi dont le cœur surtout garde une image sainte !

     Au tracas des journaux perdu, matin et soir,
     Je suis à ce métier comme un juif au comptoir,
     Mais comme un juif du moins qui garde en la demeure,

     Dans l’arrière-boutique où ne vient nul chaland,
     Sa Rebecca divine, un ange consolant,
     Dont il rentre baiser le front dix fois par heure.

Peut-être eût-il consenti, malgré ses répugnances, à passer par-devant M. le maire, si la dame, qui se savait originaire d’un bourg de Picardie, n’avait craint les révélations de son acte de naissance. Elle ne s’empara pas moins en souveraine de la maison, démarquant

  1. Plerosque dies et amantes carmina noctes. (Stace.)