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crois n’avoir jamais vu chez personne avec un caractère si particulier, de petites larmes de feu qui ne coulaient pas, mais qui jaillissaient de ses yeux comme des étincelles. » Que vous faut-il de plus ? Si les grandes douleurs sont muettes, il est des sentiments aussi que nous devons sceller en nous. Sainte-Beuve était doué d’une pudeur native, qui ne lui eût pas permis, ainsi que l’ont fait tant d’autres, de servir sa mère en pâture à la curiosité publique. Il n’a parlé d’elle qu’une ou deux fois dans ses écrits et d’une manière sobre, en gardant sur ce sujet une réserve bien préférable aux indiscrètes confidences de Lamartine, qui nous décrit la sienne en termes voluptueux, qu’on lui passerait à peine pour le portrait de sa maîtresse.

La perte de sa mère et celle de Mme d’Arbouville, survenues à quelques mois de distance, apportèrent un changement notable dans l’existence de l’écrivain. Devenu tout à fait libre d’arranger sa vie à son gré, n’étant astreint au décorum par aucune attache mondaine, par aucune fonction officielle, souffrant d’ailleurs au point de vue de ses travaux d’un isolement