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Aujourd’hui le public est immense, confus, morcelé en mille fractions d’humeur et de goûts différents. Il faut frapper souvent et fort pour qu’il entende. Ce n’est pas assez d’une œuvre, ni de deux, ni de vingt. Gare au producteur qui s’arrête un instant ! L’oubli se fait sur son nom, le sillon s’efface et l’œuvre, qu’il a mis dix ans à édifier pièce à pièce, disparaît dans la pénombre. Aussi le voyez-vous forger sans trêve, battre son enclume et forcer l’attention. La nuit se passe au travail et le jour à courir les journaux, à chauffer les amis. Car le mérite ne vaut que par le bruit qu’il fait ; les plus grands artistes et écrivains de notre époque en ont été aussi les plus grands charlatans..

Balzac n’était pas des moindres. Au moment où parut son portrait il avait, sans compter 25 ou 30 volumes de romans non signés, déjà produit la Physiologie du mariage, le Père Goriot, la Femme de trente ans, la Vieille Fille, Gaudissard, les Célibataires, Eugénie Grandet, Louis Lambert, la Recherche de l’absolu, la Peau de chagrin, et je ne sais combien d’autres livres qui, pour être de qualité inférieure, n’en