Page:Pons - Sainte-Beuve et ses inconnues, 1879.djvu/26

Cette page n’a pas encore été corrigée

avec amour, avec goût. Homme sobre et de mœurs continentes, il m’a eu à plus de cinquante ans, quand son cerveau était le mieux meublé possible et que toute cette acquisition littéraire, qu’il avait amassée durant sa vie avait eu le temps de se fixer avec fermeté dans son organisation. Il me l’a transmise en m’engendrant ; et dès l’enfance j’aimais les livres, les notices littéraires, les beaux extraits des auteurs, en un mot ce qu’il aimait. Le point où mon père était arrivé s’est trouvé logé dans un coin de mon cerveau à l’état d’organe et d’instinct, et ç’a été mon point de départ. »

Sentiment honorable autant que juste, qui fait ainsi remonter la gloire ! Il est bon que le père, comme en Chine, gagne et croisse en honneur par les mérites mêmes de son fils. Au fond la théorie est plus spécieuse que vraie, et l’on aurait tort de la généraliser, car elle ferait de chacun de nous le continuateur fatal et progressif de celui à qui nous devons le jour. Nombreux au contraire sont les fils en qui ne se retrouve rien de la molécule originelle et qui font mentir le proverbe connu.